I. Introduction🔗
L’engagement du Conseil de sécurité est sans équivoque : il s’agit de mettre en œuvre tous les outils nécessaires pour briser les cycles apparemment sans fin de la violence sexuelle et de l’impunité.
Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général sur les violences sexuelles1
L’Organisation des Nations unies (ONU) est une organisation intergouvernementale fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par 51 pays « pour préserver les générations futures du fléau de la guerre ».2 L’ONU est guidée par les objectifs et les principes contenus dans son document fondateur, la Charte des Nations unies,3 tels que le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le développement de relations amicales entre les nations, la résolution des problèmes internationaux par la coopération et la promotion des droits de l’homme.4 Presque tous les États existants ont ratifié la Charte des Nations unies.5
Depuis sa création, l’ONU a encouragé et participé au développement du droit international afin de réglementer les relations internationales et d’établir « les conditions dans lesquelles la justice et le respect des obligations découlant des traités et d’autres sources du droit international peuvent être maintenus ».6 Elles l’ont fait par l’intermédiaire de leurs principaux organes, notamment l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU), le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), la Cour internationale de justice (CIJ) et le Secrétariat.
L’AGNU est le principal organe délibérant, politique et représentatif de l’ONU. Tous les États membres de l’ONU sont représentés à l’AGNU, qui sert de forum de discussion multilatérale sur les questions internationales couvertes par la Charte des Nations unies.7
Composé de 5 membres permanents et de 10 membres non permanents, le Conseil a la responsabilité principale, en vertu de la Charte des Nations unies, du maintien de la paix et de la sécurité internationales.8 Ses décisions sont contraignantes pour tous les membres des Nations unies.9
Note aux lecteurs
Si nous nous concentrons sur le Conseil dans ce chapitre, c'est parce qu'il
joue un rôle prépondérant et contraignant dans la détermination de l'existence
d'une menace contre la paix ou
d'un acte d'agression, et des mesures qui peuvent être requises en réponse, en vertu des chapitres VI et VII de la Charte des Nations unies.
La CIJ est le principal organe judiciaire des Nations unies. Son rôle est de régler, conformément à son statut et au droit international, les différends juridiques qui lui sont soumis par les États et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui lui sont soumises par les organes et les agences spécialisées des Nations unies.10
Le Secrétariat comprend le Secrétaire général et les membres du personnel de l’ONU qui effectuent le travail quotidien de l’Organisation, conformément au mandat de ses principaux organes. Le Secrétaire général est le symbole des idéaux de l’ONU et le défenseur de tous les peuples du monde.11 En vertu de la Charte des Nations unies, le Secrétaire général est habilité à porter à l’attention du Conseil toute question susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.12
I.1 La VSLC dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies🔗
Dans sa résolution fondatrice de 2008, la résolution 1820, le Conseil a déclaré que la VSLC avait été utilisée comme « tactique de guerre pour humilier, dominer, effrayer, disperser et/ou déplacer de force les membres civils d’une communauté ou d’un groupe ethnique ».13 En 2009, le Conseil a condamné avec la plus grande fermeté « toutes les formes de violences sexuelles et autres commises à l’encontre de civils dans les conflits armés » et a reconnu que dans le contexte des conflits armés, qu’ils soient internationaux ou non, les civils (en particulier les femmes et les enfants) ont besoin d’être protégés comme groupe de population à risque.14 Depuis lors, le Conseil s’est déclaré préoccupé par les actes de VSLC commis, par exemple, en République démocratique du Congo,15 en République centrafricaine,16 en Somalie,17 au Mali,18 au Yémen,19 et au Soudan.20
Le Conseil a noté que les femmes et les filles « représentent la grande majorité des personnes touchées par les conflits armés, y compris les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, et sont de plus en plus souvent la cible des combattants et des éléments armés ».21 Protéger et garantir les droits des femmes et des filles en temps de guerre et promouvoir leur participation aux processus de paix sont essentiels pour parvenir à la paix et à la sécurité internationales.22 Le Conseil a également reconnu que les hommes et les garçons peuvent être victimes de la VSLC, notamment dans les lieux de détention et au sein des groupes armés.23
En outre, le Conseil a reconnu que la violence sexuelle est « connue pour faire partie des objectifs stratégiques et de l’idéologie de certains groupes terroristes, utilisée comme tactique de terrorisme et comme instrument pour accroître leur pouvoir en soutenant le financement, le recrutement et la destruction de communautés ».24
I.2 La réponse du Conseil de sécurité des Nations unies à la VSLC🔗
En vertu du chapitre VII de la Charte, le Conseil a le pouvoir d’établir « l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression » et de faire des recommandations ou de déterminer des mesures « pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».25 Auparavant, le Conseil peut exiger de toutes les parties concernées qu’elles se conforment aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires : le non-respect de ces mesures peut entraîner une réponse plus sévère.26
Les décisions sur les questions de procédure requièrent le vote positif de neuf membres du Conseil. Les décisions sur les questions non procédurales requièrent le vote positif de neuf membres du Conseil, y compris les membres permanents (Chine, États-Unis d’Amérique, France, Royaume-Uni et Russie).27
Les mesures visant à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales sont généralement considérées comme des questions non procédurales,28 et comprennent :
- Des mesures « n’impliquant pas l’emploi de la force armée », telles que « l’interruption totale ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radiophoniques et autres, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ». Le Conseil peut demander aux membres des Nations unies d’appliquer ces mesures ;29
- Si ces mesures s’avèrent inadéquates, il est possible de recourir à une « action des forces aériennes, maritimes ou terrestres ». L’action comprend « les manifestations, le blocus et les autres opérations menées par les forces aériennes, navales ou terrestres des membres des Nations unies ».30
La VSLC, en tant que pratique pouvant atteindre des niveaux de brutalité effroyables qui persistent après la cessation des hostilités et « font obstacle au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales », peut nécessiter l’adoption de telles mesures pour éviter l’exacerbation significative des situations de conflit armé.31 C’est pourquoi le Conseil a constamment inscrit ces situations à son ordre du jour afin d’adopter, le cas échéant, des mesures appropriées pour y remédier.32 Par exemple, il a exigé de toutes les parties à un conflit armé qu’elles mettent fin à tous les actes de violence sexuelle avec effet immédiat.33 Pour ce faire, le Conseil a rappelé les engagements pris par les États dans le cadre de la déclaration et du programme d’action de Pékin, réaffirmé l’obligation des États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à son protocole facultatif (en invitant instamment les États qui ne l’ont pas encore fait à envisager de les ratifier ou d’y adhérer) et noté de la recommandation générale n° 30 sur les femmes dans les situations de prévention des conflits, de conflit et d’après-conflit du Comité pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes.34
Parmi les autres moyens utilisés par le Conseil pour faire face aux menaces contre la paix, on peut citer les suivants :
- Des régimes de sanctions spécifiques aux États, y compris des mesures ciblées et progressives à l’encontre des parties à un conflit armé qui commettent des VSLC ;35
- La nomination de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit ;
- Le recours à la force.
I.2.1 Sanctions🔗
Les sanctions sont une mesure non militaire auxquelles le Conseil a de plus en plus recours. Comme les sanctions sont adoptées conformément aux pouvoirs conférés au Conseil par le chapitre VII de la Charte des Nations unies,36 tous les membres des Nations unies ont l’obligation de les mettre en œuvre lorsqu’ils y sont invités. Depuis 1966, le Conseil a établi 31 régimes de sanctions.
Les sanctions du Conseil de sécurité ont pris plusieurs de formes différentes, poursuivant des objectifs variés. Elles vont de sanctions économiques et commerciales globales à des mesures plus ciblées telles que des embargos sur les armes, des interdictions de voyager et des restrictions financières ou sur les produits de base. Le Conseil de sécurité a appliqué des sanctions pour soutenir les transitions pacifiques, dissuader les changements non constitutionnels, lutter contre le terrorisme, protéger les droits de l’homme et promouvoir la non-prolifération.
Les sanctions ne fonctionnent pas, ne réussissent pas et n’échouent pas dans le vide. Elles sont plus efficaces pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales lorsqu’elles sont appliquées dans le cadre d’une stratégie globale englobant le maintien, la consolidation et le rétablissement de la paix. Contrairement à l’idée selon laquelle les sanctions sont punitives, de nombreux régimes sont conçus pour soutenir les gouvernements et les régions qui œuvrent en faveur d’une transition pacifique.37
Le Conseil a imposé des sanctions ciblées aux personnes qui ont perpétré et dirigé des actes de VSLC.38 Dans la résolution 2467, le Conseil a réitéré son intention, lorsqu’il choisira d’adopter ou de renouveler des sanctions ciblées dans des situations de conflit armé, d’envisager d’inclure des critères de désignation relatifs aux actes de viol et autres formes de violence sexuelle.39
Les quatre régimes suivants désignent expressément les violences sexuelles et fondées sur le genre comme des violations du droit international nécessitant des sanctions.
I.2.1.1. La Situation en République démocratique du Congo (RDC)🔗
Dans la résolution 1493 (2003), le Conseil a appelé les parties au conflit à mettre fin aux violations du droit international humanitaire (DIH). Cinq ans plus tard, le Conseil « condamne fermement la violence persistante, en particulier la violence sexuelle à l’égard des femmes en République démocratique du Congo »40 et inclut la VSLC dans les critères de désignation pour les sanctions.41
En 2016, le Conseil a adopté la résolution 2293, notant à nouveau « avec une grande préoccupation la persistance de graves atteintes aux droits de l’homme et de violations du droit international humanitaire à l’encontre des civils dans l’est de la RDC », y compris « les violences sexuelles et fondées sur le genre et le recrutement et l’utilisation à grande échelle d’enfants commis par des groupes armés ». La résolution renouvelle les sanctions précédemment imposées.42
Le Conseil a également exhorté « le gouvernement de la RDC à poursuivre la mise en œuvre intégrale et la diffusion dans toute la chaîne de commandement militaire, y compris dans les zones reculées, des engagements qu’il a pris dans le plan d’action signé avec les Nations unies et pour la protection des filles et des garçons contre les violences sexuelles ».43 Il a salué les efforts « déployés par le gouvernement de la RDC pour combattre et prévenir les violences sexuelles dans les conflits, y compris les progrès accomplis dans la lutte contre l’impunité ». Le Conseil a invité la RDC « à poursuivre les engagements qu’elle a pris dans le cadre de son plan d’action pour mettre fin aux violences et aux violations sexuelles commises par ses forces armées et à poursuivre ses efforts à cet égard, en notant que si elle ne le fait pas, les [Forces armées de la République démocratique du Congo] risquent d’être à nouveau citées dans les futurs rapports du Secrétaire général sur les violences sexuelles ».44
I.2.1.2. La Situation en Somalie🔗
Dans la résolution 2002 (2011), le Conseil a inclus les violences sexuelles et fondées sur le genre comme critère de désignation pour les sanctions ciblées. Le Conseil a condamné avec la plus grande fermeté « tous les actes de violence, abus et violations, y compris les violences sexuelles et fondées sur le genre, commis contre des civils, y compris des enfants, en violation du droit international applicable ».45 Le Conseil a souligné « que les auteurs de ces actes doivent être traduits en justice, rappelant toutes ses résolutions pertinentes sur les femmes, la paix et la sécurité, sur les enfants et les conflits armés, et sur la protection des civils dans les conflits armés ».46
I.2.1.3. La Situation au Sud-Soudan🔗
En 2015, le Conseil a établi un régime de sanctions contre le Soudan du Sud et a inclus le viol et les violences sexuelles dans la liste des actes interdits.47 Le Conseil a fermement condamné « les violations des droits de l’homme et les atteintes au droit international humanitaire passées et présentes », y compris celles impliquant le viol et d’autres formes de violence sexuelle et sexiste, par toutes les parties, « y compris les groupes armés et les forces de sécurité nationales, ainsi que l’incitation à commettre de tels abus et violations ». Le Conseil a souligné « que les responsables des violations du droit humanitaire international et des violations et atteintes aux droits de l’homme doivent être tenus pour responsables, et que le gouvernement du Sud-Soudan a la responsabilité première de protéger sa population du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité ».48
Le Conseil a également condamné « l’utilisation des médias pour diffuser des discours de haine et transmettre des messages incitants à la violence sexuelle contre un groupe ethnique particulier, ce qui peut jouer un rôle important dans la promotion de la violence de masse et l’exacerbation des conflits »49 et a appelé le gouvernement à « prendre les mesures appropriées pour remédier à cette activité ».50 Le Conseil a exhorté toutes les parties à contribuer à la promotion de la paix et de la réconciliation entre les communautés.51
I.2.1.4. La Situation en République centrafricaine🔗
En 2014, le Conseil a adopté des sanctions ciblées dans la résolution 2134 à l’encontre d’individus qui ébranlent la paix, menacent les processus politiques et commettent des atrocités, y compris des violences sexuelles.52 Le Conseil s’est dit préoccupé par les « violations multiples et croissantes du droit international humanitaire et les violations et atteintes aux droits de l’homme généralisées », y compris celles impliquant des violences sexuelles contre les femmes et les enfants et des viols « commis de même par d’anciens éléments de la Seleka et des milices, en particulier celles connues sous le nom « d’anti-Balaka ».53
Le Conseil a décidé que le mandat du Bureau intégré des Nations unies pour consolider de la paix en République centrafricaine devait être renforcé et actualisé pour inclure la promotion et la protection des droits de l’homme et « surveiller, aider à enquêter et faire rapport au Conseil, en particulier sur les violations et les abus commis contre les enfants ainsi que sur les violations commises contre les femmes, y compris toutes les formes de violence sexuelle dans les conflits armés, notamment par le déploiement de conseillers à la protection de l’enfance et de conseillers à la protection de la femme ».54
I.2.2 La Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit🔗
Les résolutions contraignantes du Conseil sur la VSLC sont complétées par le travail du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, créé par la résolution 1888 (2009) du Conseil de sécurité des Nations unies.55 Pour lutter efficacement contre la VSLC, tant au siège qu’au niveau des pays, la représentante spéciale est habilitée à
- Assurer une direction cohérente et stratégique ;
- Renforcer les mécanismes de coordination existants des Nations unies ;
- Engager des actions de sensibilisation auprès des parties aux conflits armés, de la société civile et des gouvernements, y compris les représentants militaires et judiciaires ;
- Promouvoir la coopération et la coordination des efforts entre toutes les parties prenantes, principalement par le biais de l’initiative interinstitutionnelle « d’Action des Nations unies contre la violence sexuelle en période de conflit », un réseau de 24 entités des Nations unies visant à mettre fin à la violence sexuelle « pendant et à la suite d’un conflit armé » ;56
- Travailler avec les membres des Nations unies pour élaborer des stratégies globales communes aux gouvernements et aux Nations unies pour lutter contre la violence sexuelle, en consultation avec toutes les parties prenantes concernées ;57
- Fournir au Conseil des informations et de la documentation supplémentaires sur la violence sexuelle dans les conflits armés.58 L’une des principales fonctions du bureau du représentant spécial est de préparer le rapport annuel du Secrétaire général sur la VSLC, en se concentrant sur les pays pour lesquels des informations crédibles sont disponibles. Le rapport comprend des informations détaillées sur les parties à un conflit armé qui sont « soupçonnées de manière crédible d’avoir commis des actes de violence sexuelle ou d’en être responsables ». Toutes les parties figurant sur la liste doivent s’engager avec le Bureau à élaborer des « engagements et des plans d’action spécifiques et assortis de délais pour remédier aux violations », sous peine d’être exclues des opérations de maintien de la paix de l’ONU.59
Depuis 2017, le bureau est dirigé par la représentante spéciale Mme Pramila Patten de Maurice, qui a fixé trois priorités stratégiques dans le cadre de son mandat, à savoir « (i) convertir les cultures d’impunité en cultures de justice et de responsabilité grâce à des poursuites cohérentes et efficaces ; (ii) favoriser l’appropriation et le leadership nationaux pour une réponse durable et centrée sur les survivants ; et (iii) s’attaquer aux causes profondes de la VSLC avec l’inégalité structurelle entre les sexes et la discrimination, la pauvreté et la marginalisation comme son moteur invisible en temps de guerre et de paix ».60
La représentante spéciale a souligné le travail accompli par le Conseil pour lutter contre la VSLC dans l’ensemble de ses résolutions :
Les résolutions sur la violence sexuelle articulent les éléments d’un régime de conformité visant à influencer le comportement des auteurs et des auteurs potentiels. Elles renforcent le droit international humanitaire, qui établit clairement que même les guerres ont des limites et que la violence sexuelle dépasse le cadre d’une conduite acceptable, même au milieu d’une bataille. Ces limites ont été universellement acceptées et doivent être respectées universellement. Elles comprennent une interdiction catégorique de toutes les formes de violence sexuelle, qui ne peuvent jamais être excusées, justifiées ou amnistiées ».
En outre, la représentante spéciale a indiqué que la violence sexuelle « est la violation la plus systématiquement et massivement sous-déclarée », de sorte que les données disponibles ne représentent que « la partie émergée de l’iceberg ». Son bureau a recommandé au Conseil de « se mobiliser immédiatement sur la base de notre conviction commune que même un seul cas de violence sexuelle est inacceptable ».61
Note aux lecteurs
Le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit a produit plusieurs outils importants à l'intention des États et des acteurs internationaux pour lutter contre les VSLC. Ces ressources peuvent être consultées dans le chapitre « Lectures complémentaires ».
I.2.3 Recours à la force, intervention humanitaire et responsabilité de protéger🔗
Dans leurs relations internationales, tous les membres des Nations unies doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, ou de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies.62 La Charte ne prévoit que deux exceptions à cette règle :
- Les États peuvent recourir à la force en cas de légitime défense contre une attaque armée.63 Le recours à la force en représailles, y compris à titre de punition, de vengeance ou de représailles, n’est pas légal ;64
- En vertu de l’article 42 de la Charte, le Conseil peut expressément autoriser les États, et les États agissant par l’intermédiaire d’organisations internationales, à recourir à la force après avoir constaté l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression. Depuis la fin de la guerre froide, le Conseil a autorisé le recours à la force à de nombreuses reprises.65
Une troisième exception, controversée, « qui n’est pas mentionnée dans la Charte et que l’on peut vraisemblablement trouver, le cas échéant, dans le droit international coutumier », envisage le droit pour les États de recourir à la force pour éviter une catastrophe humanitaire écrasante dans un autre État (c’est-à-dire une intervention humanitaire) sans l’autorisation du Conseil.66 Ses partisans soutiennent qu’en cas de violations flagrantes du droit international humanitaire et/ou du droit international des droits de l’homme, la souveraineté de l’État et l’interdiction du recours à la force doivent céder le pas aux impératifs humanitaires.67
Conscients de la nature controversée de l’intervention humanitaire et de l’intervention militaire très critiquée de l’OTAN au Kosovo,68 lors du sommet mondial des Nations unies de 2005, les États membres de l’ONU se sont plutôt engagés à respecter le principe de la responsabilité de protéger (R2P).69 Ils ont estimé qu’en vertu de ce principe :
- Chaque État a la responsabilité de protéger ses populations contre les atrocités de masse (génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité) ;
- La communauté internationale devrait encourager et aider les États à exercer cette responsabilité, y compris « avant que les crises et les conflits n’éclatent », et soutenir les Nations unies dans la mise en place d’une capacité d’alerte précoce ;
- Conformément à la Charte des Nations unies, la communauté internationale a la responsabilité d’utiliser des moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques pour aider à protéger les populations contre les atrocités de masse. Si un État ne protège manifestement pas ses populations contre de tels crimes et que les moyens pacifiques sont inadéquats, la communauté internationale doit prendre des mesures collectives, en temps voulu et de manière décisive, par l’intermédiaire du Conseil et conformément à la Charte, y compris le chapitre VII, afin de protéger les populations de cet État.70
Bien que l’application de la responsabilité de protéger soit limitée aux crimes de masse, les Nations unies disposent d’un large éventail d’outils pour lutter contre ces violations. Ces outils sont les suivants
- Des mesures préventives, notamment « des systèmes de surveillance et d’alerte
pour les atrocités de masse, le renforcement des institutions et les efforts diplomatiques » ;
- Des mesures de protection une fois les crimes d’atrocité commis, notamment des camps de réfugiés pour les populations en fuite, des mesures coercitives à l’encontre des auteurs de ces crimes, telles que des sanctions individuelles ciblées sur les voyages et les finances, et le recours à la force par l’intermédiaire du Conseil en dernier ressort ;
- Des mesures post hoc pour répondre aux crimes d’atrocités de masse, y compris la création de commissions d’enquête internationales, la saisine de la Cour pénale internationale pour qu’elle engage des poursuites et l’aide aux efforts locaux pour la vérité et la réconciliation.71
II. Le cadre juridique🔗
Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, y compris les résolutions sur :
- Agenda pour les femmes, la paix et la sécurité
- Les enfants et les conflits armés
III. Obligations découlant des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies🔗
La prévention🔗
III.1 Les États doivent criminaliser les VSLC🔗
Les autorités nationales devraient « renforcer la législation afin de favoriser la responsabilisation des auteurs de violences sexuelles ».72 Les enquêtes nationales et les systèmes judiciaires des États membres ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention et l’élimination de la violence sexuelle dans les conflits, et dans la responsabilisation des auteurs.73 La criminalisation de la VSLC est donc une étape importante dans la lutte contre ce dernier.
Les lois peuvent avoir une valeur préventive de deux points de vue :
- D’abord, la criminalisation de la violence et des atrocités fondées sur le sexe indique ce qui est et ce qui n’est pas un comportement acceptable dans une société, en renforçant les valeurs normatives et en contribuant à l’État de droit ;
- Ensuite, ces lois et institutions peuvent également avoir une valeur préventive dans la mesure où des cadres solides pour punir la violence fondée sur le genre et les crimes d’atrocité constituent une première étape nécessaire pour permettre les efforts de responsabilisation, si ces actes se produisent.74
Pour maximiser la capacité des États à lutter contre la VSLC, les cadres juridiques nationaux devraient intégrer les aspects pertinents du droit pénal international et du droit international humanitaire.75
III.2 Les États parties à un conflit armé doivent mettre fin aux VSLC à l’encontre des civils 🔗
Toutes les parties à un conflit armé doivent cesser tous les actes de violence sexuelle à l’encontre des civils,76 en particulier des femmes et des filles, avec effet immédiat et également dans les situations d’après-conflit.77
III.3 Les États parties à un conflit armé doivent respecter pleinement le droit international applicable aux droits et à la protection des femmes et des filles🔗
Toutes les parties à un conflit armé doivent respecter pleinement le droit international applicable aux droits et à la protection des civils, en particulier des femmes et des filles, notamment ceux qui sont protégés par le droit international humanitaire :
- Les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 ;
- La convention sur les réfugiés de 1951 et son protocole de 1967 ;
- La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979 (CEDEF) et son protocole facultatif de 1999 ; et
- La Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant de 1989 et ses deux protocoles facultatifs du 25 mai 2000.78
En outre, les États devraient garder à l’esprit les dispositions pertinentes du statut de Rome de la Cour pénale internationale.79
III.4 Les États doivent faire preuve d’ouverture dans leurs efforts pour lutter contre la VSLC🔗
Les États doivent adopter une « approche centrée sur le survivant dans la prévention et la réponse à la violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après-conflit ». Ils doivent veiller à ce que la prévention et la réponse soient non discriminatoires et spécifiques. En outre, ils doivent respecter les droits et donner la priorité aux besoins des victimes/survivants, y compris les groupes particulièrement vulnérables ou susceptibles d’être spécifiquement ciblés, « notamment dans le contexte de leur santé, de leur éducation et de leur participation ».80
Les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays constituent un groupe particulièrement vulnérable. Les civils, en particulier les femmes et les enfants, représentent la grande majorité des personnes touchées par les conflits armés, y compris les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.81 Les États parties à un conflit armé doivent tenir compte des besoins spécifiques des femmes et des filles dans les camps et les installations de réfugiés, notamment lors de leur conception.82
III.5 Les États doivent prendre des mesures spéciales pour protéger leur population, en particulier les femmes et les filles, contre la VSLC🔗
Les États doivent « prendre des mesures spéciales pour protéger les femmes et les filles contre la violence fondée sur le sexe, en particulier le viol et les autres formes de violence sexuelle, et contre toutes les autres formes de violence dans les situations de conflit armé ».83 Les mesures appropriées comprennent notamment :
- Appliquer les mesures disciplinaires militaires appropriées et faire respecter le principe de la responsabilité du commandement ;
- Former les troupes à l’interdiction catégorique de toutes les formes de violence sexuelle à l’encontre des civils (ce qui comprend l’émission d’ordres clairs par les chaînes de commandement interdisant la violence sexuelle et l’interdiction de la violence sexuelle dans les codes de conduite, les manuels militaires de terrain ou équivalents) ;84
- Identifier et libérer de leurs rangs les femmes et les enfants « enlevés de force par des groupes armés et des forces armées » ;85
- Démystifier les mythes qui alimentent la violence sexuelle ;
- La vérification des antécédents des forces armées et de sécurité pour tenir compte des actes de viol et autres formes de violence sexuelle commis dans le passé ;
- Évacuation des femmes et des enfants sous la menace imminente de violences sexuelles vers un lieu sûr ;86
- Soutenir la capacité des groupes de la société civile à renforcer les mécanismes informels de protection des communautés contre les violences sexuelles dans les situations de conflit et d’après-conflit.87
L’application de ces mesures spéciales revêt une importance particulière dans les conflits armés, puisque la violence sexuelle s’inscrit « dans un continuum de formes de violence interdépendantes et récurrentes à l’encontre des femmes et des filles » :88 Les conflits armés exacerbent la fréquence et la brutalité d’autres formes de violence fondée sur le genre.89 À cette fin, les États devraient renforcer « l’État de droit et la responsabilité en tant qu’aspect central de la dissuasion et de la prévention des crimes de violence sexuelle ».90
En outre, les États devraient protéger les hommes et les garçons qui risquent d’être victimes de la VSLC ou qui en sont victimes en établissant et en renforçant des politiques qui offrent des réponses appropriées aux survivants masculins et qui remettent en question les hypothèses culturelles sur l’invulnérabilité des hommes face à ce type de violence.91 Le suivi, l’analyse et l’établissement de rapports sur la VSLC devraient se concentrer plus systématiquement sur la nature sexospécifique de la violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après-conflit à l’encontre de toutes les populations touchées dans toutes les situations préoccupantes, y compris les hommes et les garçons.92
III.6 Les États doivent prendre des mesures spéciales pour protéger les enfants contre la VSLC🔗
Le Conseil a fermement condamné le fait que les enfants soient pris pour cible dans les conflits armés, y compris leur recrutement et leur utilisation dans les conflits, en violation du droit international.93 Toutes les parties aux conflits armés doivent « prendre des mesures spéciales pour protéger les enfants, en particulier les filles, contre le viol et d’autres formes de violence sexuelle et de violence fondée sur le sexe ».94 Les gouvernements ont le rôle et la responsabilité principaux de fournir une protection et des secours à tous les enfants touchés par les conflits armés, et devraient renforcer les capacités nationales à cet égard.95
L’éducation. Le Conseil s’est déclaré profondément préoccupé par le fait que les filles sont la cible d’agressions lorsqu’elles tentent d’accéder à l’éducation et/ou de la poursuivre à l’école, ainsi que sur le chemin de l’école. Les agressions comprennent le viol et d’autres formes de violence sexuelle telles que l’esclavage sexuel, les menaces d’agression, les enlèvements, les mariages forcés, la traite des êtres humains, ainsi que la stigmatisation qui en découle et les graves conséquences sur leur santé, autant d’éléments susceptibles d’entraver encore davantage la poursuite de leur éducation. Les États devraient favoriser un environnement propice et sûr pour garantir un accès sécurisé à l’éducation.96
III.7 Les États devraient mettre en œuvre l’Agenda pour les femmes, la paix et la sécurité et inclure la société civile, en particulier les femmes, dans les processus de paix🔗
Le Conseil a reconnu « les progrès accomplis ainsi que la possibilité et la nécessité d’une mise en œuvre beaucoup plus importante de l’agenda des femmes, de la paix et de la sécurité », tout en exprimant sa préoccupation quant aux obstacles persistants à sa pleine mise en œuvre. Le Conseil s’est montré particulièrement prudent :
- La sous-représentation fréquente des femmes dans de nombreux processus et organes officiels liés au maintien de la paix et de la sécurité internationales ;
- Le nombre relativement faible de femmes occupant des postes à responsabilité dans les institutions nationales, régionales et internationales liées à la politique, à la paix et à la sécurité, ainsi que l’absence de réponses humanitaires adéquates tenant compte de la dimension de genre et de soutien aux rôles de leadership des femmes dans ces contextes ;
- Le financement insuffisant du programme « Femmes, paix et sécurité » et l’impact négatif qui en résulte sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales.97
Les États devraient mettre en œuvre l’Agenda pour les femmes, la paix et la sécurité98 en :
- Garantir et promouvoir la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les stades des processus de paix, notamment en intégrant les questions d’égalité des sexes ;99
- Faciliter l’inclusion et la participation pleines et entières, égales et significatives des femmes dans les pourparlers de paix dès le début, à la fois dans les délégations des parties aux négociations et dans les mécanismes mis en place pour mettre en œuvre et contrôler les accords ;
- Soutenir les efforts, y compris un soutien opportun aux femmes pour améliorer leur participation et le renforcement de leurs capacités dans les processus de paix, « pour remédier à la représentation et à la participation inégales des femmes dans l’agenda de la paix et de la sécurité »100 et tous les processus politiques, y compris les négociations pour la paix.101
Les perspectives de genre dans les processus de paix. Les États devraient intégrer une perspective de genre à tous les stades des processus de paix, y compris la résolution des conflits et la consolidation de la paix,102 et « dans l’ensemble des programmes humanitaires ». Pour ce faire, ils doivent veiller à ce que l’accès à la protection et à l’ensemble des services médicaux, juridiques, psychosociaux et de subsistance soit disponible sans discrimination, et à ce que les femmes et les groupes de femmes puissent participer de manière significative et soient soutenus pour jouer un rôle de premier plan dans l’action humanitaire.103
Pour renforcer la capacité des États à lutter contre la VSLC, tous les acteurs impliqués dans les accords de paix doivent adopter une perspective de genre qui englobe :
- Les besoins spécifiques des femmes et des filles lors du rapatriement et de la réinstallation, ainsi que pour la réhabilitation, la réintégration et la reconstruction après un conflit ;
- Des mesures qui soutiennent les initiatives de paix des femmes locales et les processus autochtones de résolution des conflits, et qui impliquent les femmes dans la mise en œuvre des accords de paix ; et
- Mesures garantissant la protection et le respect des droits humains des femmes et des filles, notamment en ce qui concerne la constitution, le système électoral, la police et le système judiciaire.104
Garantir la participation de la société civile. Les États doivent condamner les actes de discrimination, de harcèlement et de violence à l’encontre de la société civile et des journalistes qui font des reportages sur la VSLC et sensibiliser à ses causes profondes, à savoir l’inégalité structurelle entre les sexes et la discrimination. Les États doivent élaborer et mettre en place des mesures pour les protéger et leur permettre d’effectuer leur travail.105
En outre, les États devraient conjuguer leurs efforts avec ceux des dirigeants nationaux et locaux, y compris les chefs traditionnels et religieux, qui connaissent mieux les sensibilités et les coutumes locales. Les États devraient les encourager « à jouer un rôle plus actif dans la sensibilisation des communautés à la violence sexuelle afin d’éviter la marginalisation et la stigmatisation des victimes, d’aider à leur réinsertion sociale et de lutter contre la culture de l’impunité pour ces crimes ».106
III.8 Les États devraient intégrer une perspective de genre dans les opérations de maintien de la paix et dans la formation afin de prévenir et de répondre aux VSLC🔗
Le Conseil a exprimé son soutien aux mesures visant à « intégrer une perspective de genre dans les opérations de maintien de la paix ».107 En particulier, il a exhorté le Secrétaire général à veiller à ce que, le cas échéant, « les opérations sur le terrain comportent une composante de genre »,108 et à promouvoir l’intégration des femmes dans les missions de maintien de la paix. Le Conseil a reconnu que les femmes et les enfants peuvent se sentir plus en sécurité lorsqu’ils travaillent avec des femmes dans les missions de maintien de la paix et qu’ils signalent les abus dont elles sont victimes.109 Cela pourrait aider le personnel de maintien de la paix et le personnel humanitaire à prévenir et à reconnaître les violences sexuelles et les autres formes de violence à l’encontre des civils et à y répondre.110 Si, en principe, cette obligation ne concerne que les Nations unies, elle englobe également les devoirs et les recommandations adressés aux États agissant en leur qualité de membres des Nations unies.
En conséquence, les États membres devraient intégrer des lignes directrices et des documents sur la protection, les droits et les besoins particuliers des femmes « dans leurs programmes nationaux de formation du personnel militaire et de la police civile en préparation du déploiement ».111
Le Conseil a également proposé de mettre en œuvre une « politique de tolérance zéro à l’égard de l’exploitation et des abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies ».112 Les pays fournisseurs de troupes et de forces de police devraient « prendre des mesures préventives appropriées, y compris des formations de sensibilisation avant le déploiement et sur le terrain, ainsi que d’autres mesures visant à garantir la pleine responsabilité en cas de comportement de ce type impliquant leur personnel ».113
En outre, les pays fournisseurs de troupes et de forces de police devraient sensibiliser davantage leur personnel participant aux opérations de maintien de la paix des Nations unies à la protection des civils, y compris les femmes et les enfants, et à la prévention de la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des filles dans les situations de conflit et d’après-conflit, notamment, dans la mesure du possible, par le déploiement d’un pourcentage plus élevé de femmes dans les forces de maintien de la paix ou de la police.114
À cet égard, les États devraient renforcer la capacité du secteur de la sécurité et de la défense à prévenir la violence sexuelle, et agir pour que « l’armée, la police, les gardes-frontières et les autres forces de sécurité et de défense du gouvernement »établissent des plans d’action spécifiques à cette fin.115
III.9 Les États devraient soutenir les efforts déployés par les organisations de femmes pour lutter contre la VSLC🔗
Pour promouvoir la participation pleine et égale des femmes, les États devraient promouvoir et autonomiser les femmes, et soutenir les organisations et les réseaux de femmes.116 Le soutien de l’État devrait englober « le soutien financier, technique et logistique volontaire aux efforts de formation sensibles au genre »,117 y compris les efforts entrepris par les fonds et les programmes, tels que le Fonds des Nations unies pour la femme et le Fonds des Nations unies pour l’enfance.118
Les États devraient continuer à soutenir les efforts tenant compte de la dimension de genre dans tous les processus et secteurs de consolidation de la paix et de relèvement après un conflit,119 et soutenir ces programmes par le biais de la coopération internationale au développement concernant l’autonomisation des femmes et l’égalité entre les sexes.120
Justice et responsabilité🔗
III.10 Les États doivent enquêter sans tarder et dans le respect de l’éthique sur les VSLC🔗
Enquêtes rapides. Les États doivent renforcer l’accès des femmes à la justice dans les situations de conflit et d’après-conflit, notamment en menant des enquêtes rapides sur les violences sexuelles et fondées sur le genre perpétrées par des civils ou des militaires.121 Les autorités nationales devraient « renforcer la législation afin de favoriser la responsabilisation des auteurs de violences sexuelles ».122 Les systèmes d’enquête et judiciaires nationaux des États membres ont un rôle essentiel à jouer dans la poursuite des responsables.123
En particulier, les États doivent prendre et mettre en œuvre des engagements spécifiques concernant des enquêtes rapides sur les abus présumés pour demander des comptes aux auteurs.124 Des enquêtes cohérentes et rigoureuses sur les crimes de violence sexuelle sont essentielles à la dissuasion et à la prévention ;125 Les États doivent s’opposer à la perception selon laquelle la VSLC est un phénomène culturel, une conséquence inévitable de la guerre ou un crime de moindre importance.126
Enquêtes éthiques. Plusieurs outils ont été mis au point pour fournir des orientations sur la collecte éthique et efficace des preuves et les efforts de poursuite dans les différentes juridictions, notamment le Manuel à l’intention des missions des Nations unies sur le terrain pour la prévention et la réponse à la violence sexuelle liée aux conflits (2020), le Protocole international relatif à la documentation et aux enquêtes sur la violence sexuelle en temps de conflit (2017), le Code de conduite mondial pour la collecte et l’utilisation d’informations sur les violences sexuelles systématiques et liées aux conflits (Code Murad) (2022) et les Considérations éthiques et de sécurité pour les entretiens avec les femmes victimes de la traite de l’OMS (2003) :127 Les États devraient les mettre en œuvre lorsqu’ils enquêtent sur la violence sexuelle systématique et en temps de conflit. Ce faisant, les États devraient également adopter un cadre de coopération pour enquêter sur les VRSR et poursuivre les auteurs de ces actes avec le représentant spécial.128
III.11 Les États doivent poursuivre les auteurs de VSLC🔗
Les États ont la responsabilité de mettre fin à l’impunité et de poursuivre les responsables de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris ceux liés aux violences sexuelles et autres à l’encontre des femmes et des filles.129 Il est essentiel de mettre fin à l’impunité si l’on veut qu’une société en conflit ou se relevant d’un conflit puisse faire face aux exactions commises dans le passé à l’encontre des civils touchés par un conflit armé et empêcher que de telles exactions ne se reproduisent à l’avenir.
À cette fin, les États peuvent envisager divers mécanismes de justice et de réconciliation, « notamment des cours et tribunaux pénaux nationaux, internationaux et « mixtes », ainsi que des commissions de vérité et de réconciliation ».130 Ces mécanismes peuvent promouvoir non seulement la responsabilité individuelle pour les crimes, mais également la paix, la vérité, la réconciliation et les droits des victimes.131 Les supérieurs civils et les commandants militaires ont la responsabilité d’utiliser leur autorité et leurs pouvoirs pour prévenir les violences sexuelles, notamment en luttant contre l’impunité.132
Toutefois, le Conseil a noté avec inquiétude que seul un nombre limité d’auteurs de VSLC ont été traduits en justice,133 et que, dans les conflits armés et les situations d’après-conflit, les systèmes judiciaires nationaux peuvent être considérablement affaiblis.134 Les États devraient adopter « une approche globale de la justice transitionnelle dans les situations de conflit armé et d’après-conflit, englobant tout l’éventail des mesures judiciaires et non judiciaires, selon le cas ».135 Il faut faire davantage « pour s’assurer que les mesures de justice transitionnelle abordent l’ensemble des violations et des atteintes aux droits fondamentaux des femmes, ainsi que l’impact différencié de ces violations et atteintes sur les femmes et les filles, de même que les déplacements forcés, les disparitions forcées et la destruction de l’infrastructure civile ».136
III.12 Les États devraient s’abstenir d’utiliser des dispositions d’amnistie dans les cas de VSLC🔗
La VSLC peut constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un acte constitutif de génocide.137 Dans ces cas, les États138 doivent « veiller à ce que toutes les victimes de violences sexuelles, en particulier les femmes et les filles, bénéficient d’une protection égale devant la loi et d’un accès égal à la justice »,139 et exclure l’application de dispositions d’amnistie.140
La représentante spéciale a également souligné que la lutte contre la VSLC inclue « l’interdiction explicite de l’amnistie pour les crimes de violence sexuelle ».141
III.13 Les États devraient entreprendre des réformes juridiques et judiciaires globales pour veiller à ce que les victimes/survivants de la VSLC aient accès à la justice🔗
Les États devraient entreprendre des réformes juridiques et judiciaires globales, conformément au droit international, afin de renforcer la législation et de favoriser la responsabilisation en matière de violence sexuelle.142 Les réformes doivent être mises en œuvre sans délai pour traduire en justice les auteurs de VSLC et pour garantir que les survivants « ont accès à la justice, sont traités avec dignité tout au long du processus judiciaire, sont protégés et obtiennent réparation pour leurs souffrances ».143
Les réformes peuvent inclure, si elles n’existent pas encore, des lois sur la protection des victimes et des témoins, et fournir, le cas échéant, une aide juridique aux victimes/survivants. En outre, les États peuvent mettre en place des unités de police et des tribunaux spécialisés dans la lutte contre la VSLC et devraient supprimer les obstacles procéduraux à la justice pour les victimes, tels que :
- Délais de prescription restrictifs pour le dépôt des demandes d’indemnisation ;
- Les exigences de corroboration qui sont discriminatoires à l’égard des victimes en tant que témoins et plaignants ;
- Exclusion ou discrédit du témoignage des victimes/survivants par les responsables de l’application de la loi et dans le cadre des procédures judiciaires et autres ; et
- Manque d’installations pour les audiences à huis clos.144
Égalité des droits des victimes/survivants de la VSLC. Dans leur législation nationale, les États doivent reconnaître l’égalité des droits de toutes les personnes touchées par la VSLC, « y compris les femmes, les filles et les enfants nés de violences sexuelles dans les conflits armés », conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention relative aux droits de l’enfant.145
En particulier, les États devraient s’attaquer aux obstacles à l’accès à la justice dans les situations de conflit et d’après-conflit auxquels sont confrontés les femmes, les filles et leurs enfants nés de la VSLC (tels que « la marginalisation économique et sociale, les blessures physiques et psychologiques, l’apatridie, la discrimination et le manque d’accès aux réparations »).146 Pour ce faire, ils devraient procéder à des réformes juridiques et judiciaires afin que les secteurs juridique, judiciaire et de la sécurité tiennent compte de la dimension de genre.147
Réponse humanitaire🔗
III.14 Les États doivent fournir aux victimes/survivants de la VSLC des soins appropriés et complets🔗
Les États devraient soutenir le développement et le renforcement des capacités des institutions nationales, en particulier des systèmes judiciaires et de santé, et des réseaux locaux de la société civile afin de fournir une assistance durable aux victimes de violences sexuelles dans les situations de conflit armé et d’après-conflit. 148
Les États doivent veiller à ce que les victimes/survivants de violences sexuelles « commises par certaines parties à un conflit armé, y compris les groupes armés non étatiques désignés comme groupes terroristes » aient accès à des programmes nationaux de secours et de réparation, ainsi qu’à des soins de santé, des soins psychosociaux, des abris sûrs, un soutien aux moyens de subsistance et une aide juridique.
Les services doivent inclure « des dispositions pour les femmes et les enfants nés à la suite de violences sexuelles dans les conflits, ainsi que pour les hommes et les garçons qui peuvent avoir été victimes de violences sexuelles dans les conflits, y compris dans les lieux de détention ».149 Dans l’idéal, cela « contribuera à lever la stigmatisation socioculturelle attachée à cette catégorie de crime et facilitera les efforts de réhabilitation et de réintégration ».150
En consultation avec les organisations de femmes, les États devraient veiller à ce que les services répondent aux besoins et aux priorités des femmes et des enfants en couvrant, entre autres, « le soutien à une plus grande sécurité physique et à de meilleures conditions socio-économiques, par l’éducation, les activités génératrices de revenus, l’accès aux services de base, en particulier les services de santé, y compris la santé sexuelle et génésique, les droits génésiques et la santé mentale »,151 « y compris dans les cas des grossesses résultant d’un viol ».152
Compte tenu du lien entre les VSLC et les infections à VIH, et du poids disproportionné du VIH et du SIDA sur les femmes et les filles, qui constitue un obstacle persistant et un défi à l’égalité des sexes, les États devraient « soutenir le développement et le renforcement des capacités des systèmes de santé nationaux et des réseaux de la société civile afin de fournir une assistance durable aux femmes et aux filles vivant avec ou affectées par le VIH et le SIDA dans les situations de conflit armé et d’après-conflit ».153
Réparations🔗
III.15 Les États doivent accorder des réparations aux victimes/survivants de la VSLC.🔗
Les États devraient fournir des réparations aux victimes/survivants de la VSLC,154 conformément aux dispositions pertinentes du droit international « sur le droit à réparation pour les violations des droits individuels ».155 Ces dispositions couvrent l’indemnisation, la restitution, la satisfaction, les garanties de non-répétition,156 et la réhabilitation des survivants.157 Si les États le jugent nécessaire, ils peuvent demander l’aide des Nations unies à cet égard.158
Note aux lecteurs
Les lecteurs sont invités à se référer au chapitre « Droit international des droits de l'homme », sous-chapitre sur la « Convention contre la torture » pour trouver une explication détaillée des différentes formes de réparations, quand elles sont appropriées, et comment elles sont destinées à remédier aux préjudices causés en faveur directe des victimes/survivants. Des ressources supplémentaires sur les réparations sont disponibles dans le chapitre « Lectures complémentaires ».