Droit international humanitaire

I. Introduction🔗

Le fléau de la violence sexuelle dans les conflits perdurera tant que les parties aux conflits armés ne se conformeront pas à son interdiction claire en vertu du droit international humanitaire et ne fourniront pas des services de soutien adéquats aux survivants. Il faut pour cela une volonté politique, des actes qui accompagnent les paroles.

Robert Mardini, directeur général du CICR1

Le droit international humanitaire (DIH) « est un ensemble de règles qui visent, pour des raisons humanitaires, à limiter les effets des conflits armés ».2 Les règles régissant le DIH ont été élaborées par les États par le biais de l’adoption de traités internationaux et de la formation du droit international coutumier. Le droit international humanitaire moderne a vu le jour avec l’adoption de la première convention de Genève en 1864. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR, le « gardien » du DIH),3 depuis lors, le DIH « a évolué par étapes, pour répondre aux besoins toujours croissants d’aide humanitaire découlant des progrès de la technologie, des armes et des changements dans la nature des conflits armés ». Après la Seconde Guerre mondiale, le DIH a été codifié dans les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977, dans diverses conventions et protocoles traitant de types spécifiques d’armes utilisées dans la guerre, et dans des conventions visant à garantir le respect de certains droits, tels que ceux des enfants et des biens culturels, pendant les conflits armés.4

Les quatre Conventions de Genève et le Protocole additionnel I confèrent au CICR un mandat spécifique en cas de conflit armé international : « sous réserve du consentement des Parties au conflit intéressées », le CICR peut « entreprendre des activités humanitaires pour la protection des blessés et des malades, du personnel sanitaire et des aumôniers, et pour leur secours ».5 En cas de conflit armé non international, le CICR peut également « offrir ses services aux Parties au conflit ». 6

Au-delà de l’action humanitaire directe, le CICR a pour mission d’œuvrer à la compréhension et à la diffusion de la connaissance du DIH et de préparer « tout développement de celui-ci ».7 Lorsqu’une obligation figurant dans le présent chapitre n’est pas détaillée dans le droit international humanitaire contraignant, il a été fait référence aux commentaires des conventions de Genève et à d’autres documents produits par le CICR ; s’ils constituent les interprétations du CICR, ils n’en restent pas moins convaincants et offrent des pistes quant à la manière dont les États peuvent remplir leurs engagements contraignants.

Note aux lecteurs
Pour plus de détails sur le rôle et les pouvoirs du CICR, et sur les mécanismes d’application qui peuvent être disponibles en vertu du DIH, consulter le chapitre « Ratification et application des traités », section « Droit international humanitaire ».

I.1 La VSLC dans le cadre du droit international humanitaire🔗

La règle 93 de l’étude du CICR sur le droit international coutumier interdit expressément le viol et les autres formes de violence sexuelle dans les conflits armés internationaux et non internationaux.

Note aux lecteurs
En ce qui concerne l’autorité de l’étude sur le DIH coutumier, voir Marko Milanovic et Sandesh Sivakumaran, « Assessing the Authority of the ICRC Customary IHL Study : How Does IHL Develop ? » (2022) Revue internationale de la Croix-Rouge 1.

Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels n’utilisent pas expressément les termes « violence sexuelle » ou « VSLC ». Toutefois, ils font spécifiquement référence au viol, à la prostitution forcée et à « toute forme d’attentat à la pudeur »,8 stipulent que les personnes qui ne prennent pas une part active aux hostilités doivent être traitées avec humanité,9 interdisent la violence à l’égard des personnes, y compris les traitements cruels et la torture, et interdisent les atteintes à la dignité de la personne – autant d’éléments qui englobent la violence sexuelle.10

Le protocole additionnel I, qui s’applique aux conflits armés internationaux et fait partie du droit international coutumier, interdit « les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, la prostitution forcée et toute forme d’attentat à la pudeur »,11 ainsi que « le viol, la prostitution forcée et toute autre forme d’agression ».12

L’article 4, paragraphe 2, point (e), du protocole additionnel II, qui s’applique aux conflits armés non internationaux, interdit « les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la prostitution forcée et toute forme d’attentat à la pudeur ». Toutefois, le statut de droit international coutumier du protocole additionnel II est contesté et tous les États n’y sont pas parties prenantes. Les États qui n’ont pas ratifié le protocole additionnel II sont néanmoins liés par l’article 3 commun aux conventions de Genève, qui interdit implicitement les violences sexuelles dans un CANI. Il établit une obligation de traitement humain et proscrit « les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, y compris les mutilations, les traitements cruels, la torture et les atteintes à la dignité de la personne ».13

Par conséquent, la VSLC est explicitement interdite dans les CAI et les CANI. Bien qu’il existe des différences dans la formulation des interdictions conventionnelles dans les CAI et les CANI, les développements juridiques ultérieurs ont reconnu ces interdictions en vertu du droit coutumier, applicable dans les deux conflits. Ce point est crucial, car les protocoles additionnels ne sont pas aussi largement ratifiés que les conventions de Genève. La Cour internationale de Justice (CIJ) a souligné que les principes fondamentaux du droit international humanitaire « doivent être observés par tous les États, qu’ils aient ou non ratifié les conventions qui les contiennent, car ils constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier ».14

I.2 Quand les VSLC constituent-ils un crime de guerre ?🔗

Pour être considérés comme des crimes de guerre au sens du droit international humanitaire, les crimes tels que la VSLC doivent avoir un lien avec un conflit armé. Ce qui constitue un lien doit être interprété au sens large. Le droit international humanitaire « continue de s’appliquer sur tout le territoire des États belligérants ou, en cas de conflit interne, sur tout le territoire placé sous le contrôle d’une partie, que des combats effectifs s’y déroulent ou non ». Il suffit que les crimes allégués soient « étroitement liés aux hostilités se déroulant dans d’autres parties des territoires contrôlés par les parties au conflit ».15 En ce sens, le nexus doit être compris comme couvrant également les actes qui ne sont pas temporellement et géographiquement proches des combats réels.

Il n’est pas nécessaire que les crimes de guerre aient été planifiés ou soutenus par une forme de politique, mais l’existence d’un conflit armé « doit, au minimum, avoir joué un rôle substantiel dans la capacité de l’auteur à le commettre, dans sa décision de le commettre, dans la manière dont il l’a commis ou dans le but pour lequel il l’a commis ».16 L’auteur doit avoir agi dans le cadre ou sous le couvert du conflit armé. Pour déterminer si c’est le cas, certains facteurs peuvent être pertinents :

  • L’auteur est un combattant (les combattants sont des « membres des forces armées d’une partie au conflit », « à l’exception du personnel médical et religieux ») ;17
  • La victime est un non-combattant ;
  • La victime est un membre de la partie adverse ;
  • On peut dire que l’acte sert l’objectif ultime d’une campagne militaire ;
  • Le crime est commis « dans le cadre ou à l’occasion des fonctions officielles de l’auteur ».18

Néanmoins, les civils (c’est-à-dire les « personnes qui ne sont pas membres des forces armées »)19 peuvent commettre des crimes de guerre :20 tant que la condition de lien est remplie et que l’auteur a une connaissance factuelle du conflit armé,21 le droit international humanitaire s’applique.

Pour qu’il y ait un lien, il faut qu’il y ait un conflit armé. Le droit international humanitaire distingue deux types de conflits armés : les conflits armés internationaux, qui opposent deux ou plusieurs États déployant des forces armées, et les conflits armés non internationaux, qui opposent des forces gouvernementales à des groupes armés non gouvernementaux organisés, ou seulement à de tels groupes, en recourant à une violence armée prolongée.22 Un CAI existe dès qu’un État utilise la force armée contre un autre État avec une intention belliqueuse, quelles que soient les raisons ou l’intensité de l’affrontement, et indépendamment du fait qu’un état de guerre politique ait été officiellement déclaré ou reconnu.23

L’existence d’un CANI est soumise à des exigences plus strictes. Deux critères doivent être réunis : un certain degré d’organisation entre les parties et une certaine intensité de violence.24 Pour être organisés, les groupes armés doivent posséder un niveau minimum d’organisation sans lequel des opérations militaires coordonnées et le respect collectif du droit international humanitaire seraient impossibles.25 Si les forces armées des États satisfont généralement à ce critère, les groupes armés non gouvernementaux sont évalués en fonction d’une série de facteurs indicatifs. Ces facteurs peuvent être les suivants

  • L’existence d’une structure de commandement et de règles et mécanismes disciplinaires au sein du groupe ;
  • L’existence d’un siège ;
  • Le fait que le groupe contrôle un certain territoire ;
  • La capacité du groupe à accéder à des armes, à d’autres équipements militaires, à des recrues et à une formation militaire ;
  • Sa capacité à planifier, coordonner et mener des opérations militaires, y compris les mouvements de troupes et la logistique ;
  • Sa capacité à définir une stratégie militaire unifiée et à utiliser des tactiques militaires ; et
  • Sa capacité à « parler d’une seule voix et à négocier et conclure des accords tels que des cessez-le-feu ou des accords de paix ».26

Le critère de la violence armée prolongée signifie que le conflit doit se distinguer des troubles et tensions internes tels que « le banditisme, les émeutes, les actes isolés de terrorisme ou des situations similaires ».27 Il se réfère à l’intensité de la violence armée plutôt qu’à sa durée. Voici quelques facteurs indicatifs :

  • Le nombre, la durée et l’intensité des confrontations individuelles ;
  • Le type d’armes et d’autres équipements militaires utilisés ;
  • Le nombre et le calibre des munitions tirées ;
  • Le nombre de personnes et le type de forces participant aux combats ;
  • Le nombre de victimes ;
  • L’ampleur de la destruction matérielle ;
  • Le nombre de civils fuyant les zones de combat ; et
  • L’implication du Conseil de sécurité des Nations unies.28
Note aux lecteurs
Depuis 2007, l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève dirige le projet « Rule of Law in Armed Conflicts » (RULAC), qui est un « portail en ligne qui identifie et classifie toutes les situations de violence armée qui constituent un conflit armé au sens du droit international humanitaire (DIH). Il s’agit avant tout d’une source de référence juridique destinée au grand public, y compris des non-spécialistes, intéressés par les questions relatives à la classification des conflits armés en vertu du droit international humanitaire ».

Bien que le DIH « s’applique dès le début de ces conflits armés et s’étend au-delà de la cessation des hostilités jusqu’à une conclusion générale de paix ou, dans le cas de conflits internes, jusqu’à un règlement pacifique »,29 certaines obligations requièrent une action de la part des États dès le temps de paix. C’est le cas, par exemple, de la formation et de la diffusion du droit humanitaire international. En outre, les personnes privées de liberté à la suite d’un conflit armé restent protégées par le droit international humanitaire jusqu’à ce qu’elles aient été libérées et rapatriées ou que leur statut ait été normalisé d’une autre manière, « si nécessaire, même des années après la fin du conflit ». De même, le DIH reste applicable dans les territoires « qui restent occupés après la cessation des hostilités actives jusqu’à ce qu’une solution politique ait été trouvée pour leur statut ».30

II. Le cadre juridique🔗

Note aux lecteurs
Puisque le DIDH s’applique dans les conflits armés parallèlement au DIH et, surtout, qu’il offre une protection supplémentaire aux personnes touchées par les conflits, nous recommandons aux lecteurs de se référer au chapitre « Droit international des droits de l’homme » du Guide pour obtenir une explication plus détaillée de la manière dont les obligations en matière de droits de l’homme sont complémentaires au DIH. Voir le chapitre « Introduction » du Guide pour une discussion sur la relation entre le DIH et le DIDH.

III. Les obligations🔗

La prévention🔗

III.1 Les États doivent proscrire la VSLC🔗

III.2 Les États ne peuvent pas utiliser un langage restrictif pour définir les VSLC🔗

III.3 Les États doivent éduquer leur population sur les VSLC🔗

III.4 Les États ne peuvent pas appliquer l’interdiction de la VSLC de manière discriminatoire🔗

III.5 Les prisonniers de guerre, les détenus et les internés doivent bénéficier d’une protection particulière contre les VSLC 🔗

III.6 Les réfugiés, les apatrides et les personnes transférées doivent bénéficier d’une protection spéciale contre la VSLC 🔗

III.7 Les femmes ont le droit à une protection particulière contre la VSLC81🔗

III.8 Les enfants ont droit à une protection spéciale contre la VSLC 🔗

III.9 Une protection spéciale contre la VSLC est due aux personnes handicapées 🔗

III.10 La population des territoires occupés doit bénéficier d’une protection spéciale contre les VSLC🔗

Justice et responsabilité🔗

III.11 Les États doivent veiller à ce que les victimes/survivants de VSLC privés de leur liberté (y compris les prisonniers de guerre) aient accès à des procédures de signalement.🔗

III.12 Les États doivent enquêter et poursuivre les auteurs de VSLC🔗

III.14 Les États doivent reconnaître que les auteurs de VSLC peuvent être des civils ou des militaires🔗

III.15 Les États doivent faire la distinction entre les différents modes de responsabilité à l’égard de la VSLC🔗

III.16 Les États doivent imposer des sanctions qui reflètent la gravité de la VSLC🔗

Réponse humanitaire🔗

III.17 Les États doivent fournir des soins appropriés aux victimes/survivants de la VSLC🔗

Réparations🔗

III.18 Les États doivent accorder des réparations pour les VSLC🔗

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